Le tango argentin
Il est né à la fin du XIXème siècle, dans les conventillos des faubourgs populaires de Buenos Aires.
Descendants d’esclaves, anciens paysans appauvris par la seconde révolution industrielle, immigrés européens (espagnols, italiens, français et allemands qui apportent avec eux le bandonéon…). Ils sont venus tenter leur chance dans ce nouvel eldorado argentin. Ces travailleurs pauvres, au trois quart des hommes, mêlent leurs traditions, leurs rythmes et leurs chants. Ils font naître le tango en fondant dans ce creuset la habanera cubaine, le candombe africain, la danse gitane et la chanson italienne.
Los compadres, chefs de bandes, font la loi et dansent un tango canyengue, canaille, rapide et suggestif. Le tango sort rapidement des bals de rue et des bordels pour séduire le tout Buenos Aires au début du XXème siècle. Les interprètes de la première heure vont codifier la musique et la danse. Le bandonéon devient l’instrument emblématique du tango, haletant, mugissant ou étirant un fil de son jusqu’à l’extase. Adopté par les marins, le tango voyage vers les cabarets des ports européens. Il ensorcelle rapidement les bourgeois de la Belle Epoque qui s’encanaillent au son de cette musique sensuelle et lascive après les années désolation de la Grande Guerre. Le tango s’assagit ensuite un peu pour devenir danse de salon dans les beaux quartiers puis pour être adopté partout et par tous, triomphant de 1920 à 1950 sur les pistes de danse. Séduction, la danseuse semblant résister puis s’abandonner à la conduite de son cavalier, et nostalgie sont les deux sources de son pouvoir d’attraction.
Astor Piazzolla
Né en 1921 à Mar del Plata mais élevé à Greenwich Village, il a grandi entre le jazz des clubs de Harlem et le swing de Cab Calloway. A côté de l’étude du bandonéon, il se forme au piano classique auprès d’une disciple de Rachmaninov puis de Nadia Boulanger à Paris. Il bouscule alors les gardiens de la tradition en composant un tango plus complexe, émancipé de la danse et ouverte à de nouveaux instruments, croisant musique savante et populaire. La richesse et la magie de ses compositions le font s’imposer comme un maitre incontesté du tango nuevo. Sa Muerte del Angel est issue de la Trilogie de l’Ange (Milonga, Muerte… y Resurreccion!), relatant l’histoire d’un ange chargé de purifier l’âme des habitants d’un immeuble de Buenos Aires. Son Adios Nonino est encore plus bouleversant quand on sait qu’après avoir appris lors d’une tournée loin de chez lui la mort accidentelle de son père, Vicente « Nonino » Piazzolla, il composa cette mélodie en trente minutes, du fond de sa tristesse créatrice.
Ariel Ramirez
Contemporain de son compatriote Astor Piazzolla, Ariel Ramirez fait une carrière de pianiste classique avant de se plonger dans le folklore rural argentin dont il tirera l’inspiration de thèmes devenus des classiques. Il compose en 1963 une série de six villancicos, chants de Noël, qui forment la Navidad Nuestra sur des paroles du poète Felix Luna. Bien que cette suite raconte l’histoire classique de Noël, avec l’annonce de la naissance à Marie par l’ange Gabriel et la fuite en Égypte, la scène se déroule en Argentine et utilise des mots, des paysages, des fêtes et des produits du pays: Joseph et Marie se rendent à Bethléem par la pampa, les bergers viennent du village d’Aimogasta dans la province argentine de La Rioja.
Uruguay, Vénézuela, Chili et Cuba
L’uruguayen Pablo Trindade Roballo a utilisé le genre musical du Candombe d’origine africaine bantoue (qui signifie « danse avec des tambours atabaques » ) pour son Ronda Catonga.
C’est à l’écrivain uruguayen Mario Benedetti, membre des Tupamaros qui a connu 10 ans d’exil après le coup d’état de 1973, que s’associe l’argentin Alberto Favero pour composer en 1974 le chant d’amour et de lutte populaire, Te Quiero,
Le vénézuélien Alberto Grau a arrangé en 2015 le chant traditionnel de Noël Vengo dando Pascuas,
Le chilien Sergio Arriagada. Membre du groupe mythique de folklore sud-américain Los Calchakis, a puisé dans la musique traditionnelle les sons doux-amers et parfois déchirants de son Buenos Aires, mis recuerdos, chant d’exil pour tout une génération éprouvée. Victor Jara fusillé par la dictature chilienne en 1973, en est un symbole.
Le Cuba des années 1920 est un creuset où se mêlent percussions africaines et guitare espagnole. La rumba est née au XIXème siècle dans les docks du port de La Havane et Juana Gonzalez y compose la célèbre Loma de Belen pour le Cuarteto Oriental, orchestre en germe du » son » cubain.